Entretien avec Chantal Portillo

D 'où venez-vous  ?

Je viens des mots, la légende familiale raconte que j’ai su écrire à deux ans, c’est mon premier souvenir ces lettres tracées sur le papier avec mon crayon à tête de lion. L’écriture est mon berceau.  Je voulais être écrivain et exploratrice.  Mais n’est-ce pas un peu la même chose ?

Pourquoi écrivez-vous ? que cherchez-vous ?

L’écriture est une architecture, je n’aime que bâtir et je n’aime qu’aimer et que c’est difficile. Je ne sais pas toujours où je vais, je flotte, je vole, j’ai deux ailes, c’est aussi pour ça que j’écris.  Je veux ouvrir et que rien ne m’arrête, tracer l’horizon le ciel la mer, creuser la terre. J’hésite une seconde et je fonce. Je veux tout découvrir tout connaître tout rencontrer. Etreindre et quitter. Et reconstruire. L’écriture permet tout cela.

Pourquoi avez-vous choisi ce genre littéraire ? (Poésie nouvelle roman théâtre et autres) définition que vous en donneriez ? 

J’écris nouvelles, essais, mais je suis avant tout romancière, je tiens je porte aussi longtemps que nécessaire cette histoire qui vient, et ses personnages. Je suis eux et ils sont moi. J’ai tout le corps engagé, j’ai froid j’ai chaud, j’ai les mains pleines. J’imagine… les yeux et les bras grands ouverts … Je pense à Camille Claudel qui, à genoux dans la terre, ramassait la boue même pour créer, faire naître sa sculpture. J’ai la même posture. S’il le faut à genoux dans la boue. Et peut-être qu’un peu de lumière viendra…

Quel message voulez-vous faire passer, que voulez- vous transmettre ?

 La joie la peine le remords la culpabilité l’absence, la présence, la jouissance, le désespoir, toute la gamme des émotions des animaux des arbres des hommes.. Et qu’aucun être vivant jamais n’est perdu et qu’on peut repousser les limites toute s les limites, à part la mort, peut-être…

Etes vous heureux d'écrire ou est-ce un fardeau ?

Ça dépend des jours, quelquefois je me sens bénie des dieux, quand « ça écrit » …que « c’est ça ! » avec un sentiment de toute puissance au monde, de légèreté infinie, je suis une plume bleue que personne ne peut saisir. A d’autres, quand la poubelle me guette, même mon chien doudoune n’y peut rien, je suis inconsolable et là, c’est un chemin de croix. Quelquefois les deux coexistent en même temps, une seconde, je suis Dieu, mais, je vacille et toutes les poubelles de la terre m’ouvrent leurs bras, elles m’aiment. Jubilation et désespoir. L’écriture c’est épuisant mais c’est ce qui me fonde, c’est ce qui me relie à moi-même et aux autres. C’est un dialogue, c’est mon chant, ma prière.